La Commission souhaite recueillir les premiers avis des parties prenantes sur :
1/ les problématiques limitant le développement des marchés de créances à court terme.
2/ les solutions à mettre en place. Parmi les principales interventions, nombreux ont été les participants à pointer du doigt les systèmes d’ISIN ainsi que le processus de règlement comme des points notables d’amélioration afin de rendre le marché plus attractif.
Le 11 septembre 2024, la Commission européenne a organisé une table ronde pour échanger sur le marché européen des papiers commerciaux et des certificats de dépôt. Cette conférence organisée conjointement par l’unité en charge de l’Union des marchés de capitaux et de l’unité en charge des titres avait pour but de lancer des chantiers exploratoires en amont des potentiels travaux de la Commission européenne dans ce domaine.
Cette table ronde fait suite aux appels de certaines parties prenantes d’amender MMFR et les fonds monétaires afin de renforcer la stabilité financière. Néanmoins, la Commission relève que les réflexions portent sur le renforcement de l’ensemble du marché européen des créances à court terme, et non pas seulement sur les fonds monétaires
Tatyana PANOVA, la nouvelle cheffe d’unité de l’unité en charge des titres a introduit la table ronde et ses différents participants et a souligné que les marchés des créances à court terme avaient une part significative de potentiel inexploité. La Commission estime que dans l’optique d’accroître la diversification des financements pour les entreprises, le marché de créances à court terme pouvait être une option pertinente et une alternative aux lignes de crédit ou aux prêts.
Panel 1 : « instaurer un marché unique pour les papiers commerciaux et les certificats de dépôts »
Lors de ce premier panel, les différents intervenants ont présenté leur constat quant aux marchés de créances à court terme :
- Alessandra ATRIPALDI, adjointe à l’unité en charge des titres de la Commission européenne, a souligné le rôle clé que les créances à court-terme pourraient incarner afin de participer au financement des PME et des start-up. Elle regrette cependant que les marchés de créances à court terme soient fragmentés et d’une taille relativement faible vis-à-vis des marchés anglo-saxons. De plus, elle considère que de plus en plus d’émetteurs européens se tournent vers des marchés étrangers lors de leur émission de dette, ce qui démontre la nécessité d’améliorer le marché actuel.
- Jean Louis SCHIRMANN, directeur général de l’Institut européen des marchés monétaires (EMMI), a salué le rôle salutaire du label européen des titres de dettes de court terme (STEP) afin de permettre d’intégrer l’ensemble des catégories de papiers commerciaux émis au sein de tous les Etats membres de l’Union. Il appelle néanmoins à inciter les investisseurs à participer davantage au marché.
- Benoit USCIATI, chef du service des titres de créances négociables au sein de la Banque de France, a pour sa part nuancé la position de la Commission en affirmant que le marché européen des créances à court terme est relativement bien développé et de taille similaire au marché américain, et que la France peut se féliciter d’être le marché leader dans ce domaine. Il a mis en avant le fait que jusque-là, la Commission européenne a avant tout favorisé le développement des machés nationaux et la convergence progressive des pratiques entre ces marchés. Il s’est montré satisfait du label STEP et a appelé à le préserver. Malgré tout, il constate plusieurs obstacles au développement de ce marché et à la réduction de la fragmentation : le cadre réglementaire, les processus en matière de post-marché et de règlement et l’accessibilité des données. Il propose afin de lutter contre cette fragmentation d’harmoniser de façon accrue les conditions d’accès au marché pour les émetteurs, de mettre en place un unique instrument afin de rendre le marché européen attractif pour les investisseurs étrangers et d’améliorer les infrastructures de marché. Il a défendu le modèle français et l’excellence de son système de post-marché et de règlement en monnaie de banque centrale comme un modèle à suivre pour le reste de l’Union européenne. En revanche, il s’est montré relativement opposé à l’introduction de nouvelles obligations pour les émetteurs qui enchériraient les coûts d’émission ou rendraient plus stricts les critères d’éligibilité à l’émission de titres, considérant qu’ils pourraient assécher le marché. Enfin, il a appelé à utiliser les outils mis à disposition par la BCE pour inciter les investisseurs à participer au marché ainsi qu’à accroître le dialogue avec les parties prenantes et en particulier avec les infrastructures de marché.
- Pascal LAUFFER, PDG de Onbrane, s’est montré favorable à la simplification et l’harmonisation des papiers commerciaux. Il met néanmoins en garde sur le fait qu’actuellement seules les plus grandes entreprises peuvent véritablement bénéficier de ces financements de court-terme. Il considère par ailleurs que les intermédiaires manquent d’accès aux données d’émission ce qui ralentit et enchérit le processus d’intermédiation. Enfin il a appelé à accroître la numérisation des processus et à éliminer les coûts dus aux règles nationales.
- Hedi ZEBIDI, directeur en charge des créances de court terme au sein d’Intesa Sanpaolo, a mis en avant les nombreux bénéfices des papiers commerciaux européens (ECP) comme cadre réglementaire : unreporting limité, un produit simple mais flexible, une fiscalité claire et une documentation courte et compréhensible. Si le produit peut manquer de transparence il estime néanmoins qu’il le compense par sa simplicité d’usage. Il se montre favorable à l’introduction de quelques obligations de reporting minimales et harmonisées afin de standardiser le produit et permettre d’obtenir davantage de données. De plus, la consolidation de l’ensemble des données pour les titres de dettes de court terme au niveau de la BCE permettrait, d’après lui, de rendre plus attractifs les investissements.
- Mirosław KACHNIEWSKI, président de l’association polonaise des émetteurs boursiers, a, pour sa part, appelé à ouvrir le marché des titres de créances de court terme à l’ensemble des acteurs dont les investisseurs de détail et à supprimer l’intermédiation dans ce secteur. La Commission a estimé que la participation des investisseurs de détail à ce marché était encore trop précoce.
Panel 2 : « rendre plus compétitifs, attractifs et résilients les marchés européens de papiers commerciaux et les certificats de dépôts »
Lors de ce second panel les différents intervenants ont évoqué leurs propositions afin de rendre le marché plus attractif :
- Nicolas MEYER, directeur en charge des nouvelles activités pour l’énergéticien allemand RWE, a mis en avant plusieurs solutions afin de développer le marché : l’usage des outils de la BCE, l’éligibilité des créances de court terme comme collatéral dans les opérations de REPO ou la mise en place d’un temps de règlement à T+1.
- Giles CHAPMAN, directeur des activités sur le marché des fonds monétaires pour la banque néerlandaise ABN AMRO, s’est montré sceptique quant au recours des créances de court terme comme collatéral dans les opérations de REPO en particulier dû à l’échéance très courte des créances ainsi qu’au recours au règlement en T+1, qu’il juge faisable mais très cher en temps pour les équipes. De plus, il a appelé à mettre fin aux incohérences concernant les ISIN qui sont responsables d’un certain nombre de coûts pour les acteurs du marché et dont il impute le mauvais fonctionnement aux infrastructures de marché.
- Patrick CARLETTO, co-directeur des activités des marchés monétaires, a appelé à introduire davantage de transparence pour les émissions de créances de court terme et de faciliter l’accès à ces informations pour les investisseurs. Il estime de plus, que le règlement en T+0 sur ce marché est déjà en place en France.
- Jochen METZGER, directeur des marchés pour NowCM, a appelé à l’intégration des marchés monétaires au sein des marchés obligataires, il demande aussi à ce que les informations soient transmises dans un format lisible par les machines, condition nécessaire au passage à T+1 pour ce marché.
- Caroline DEROCLE, cheffe de produit pour Euroclear, a salué le très bon niveau de règlement en France sur le marché des créances de court terme et elle a mis en avant le modèle français. Afin d’améliorer le marché elle propose à la Commission d’harmoniser les règles fiscales et de tester pour ce marché l’usage du règlement grâce à la technologie des registres distribués.
Il est intéressant de noter que près de 83% des personnes interrogées durant la table ronde ont estimé que le temps de règlement devait être réduit pour ce marché.
Prochaines étapes : Si la Commission a bien fait valoir que cette discussion était avant tout organisée dans le cadre d’une démarche prospective, il semble que celle-ci pourrait envisager de proposer plusieurs initiatives afin d’améliorer le fonctionnement des créances à court-terme.