Élections européennes : l’influence française en péril ?
À un peu plus de cinq mois des élections européennes, qui se tiendront du 22 au 25 mai 2014, les pronostics fleurissent sur le score des différentes forces politiques dans les vingt-huit Etats membres de l’Union, et sur la composition du Parlement européen qui devrait en résulter. Lorsqu’ils s’adonnent à ce type d’exercice, les observateurs de la scène politique européenne évoquent souvent deux craintes : l’abstention qui minerait la légitimité des élus, et la montée en force des partis politiques défendant l’autonomie nationale ou critiques de la construction européenne, que l’on peut qualifier de partis « populistes » pouvant déstabiliser le fonctionnement de l’Union européenne.

La première de ces craintes est loin d’être nouvelle, le taux de participation n’ayant jamais cessé de baisser depuis le premier scrutin de ce type, en 1979, pour s’établir à 43% lors des dernières élections européennes de juin 2009. Pour autant, rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’abstention devrait poursuivre sa course vers les sommets. Le think tank Notre Europe – Institut Jacques Delors analyse ainsi que des sujets européens ont été au cœur de nombre de débats et scrutins nationaux au cours des dernières années, et que le regain d’intensité des débats sur l’Europe pourrait engendrer une hausse de la participation. Pour autant, ces voix supplémentaires sont plus susceptibles de nourrir les rangs des partis populistes, qu’ils soient de droite ou de gauche, au risque souvent évoqué de paralyser le Parlement européen et par extension le processus de décision communautaire. Ce risque est à relativiser – comme l’explique Notre Europe – du fait des différences structurelles entre les partis populistes et les partis plus au centre : la plus faible cohésion de groupe des premiers et leur moindre capacité à constituer des coalitions majoritaires les rendant relativement moins influents que les seconds. La capacité du Parlement européen à adopter la législation européenne ne devrait donc globalement pas en être affectée.
En revanche, même si l’influence des députés issus de partis populistes est relativement moindre que celles des autres partis, les pays qui en enverront les plus gros contingents pourraient voir leur influence au Parlement européen se réduire d’autant et connaître quelques difficultés à trouver parmi leurs députés des relais solides. La France est l’un des pays où la poussée des extrêmes pourrait être la plus forte, avec l’Italie et l’Allemagne. Et si dans certains pays, la sélection des candidats des partis de centre-droit et centre-gauche tend à renforcer l’influence de leurs élus, la pratique des principaux partis politiques français tend au contraire à remplacer des députés sortants influents par de nouveaux élus peu au fait des subtilités du jeu politique européen et parfois peu impliqués
dans leur mandat européen.
A moins que les principales familles politiques françaises ne revoient drastiquement leur approche du scrutin européen pour se fixer comme objectif ultime d’accroître leur influence au sein du Parlement européen, le résultat des élections du 25 mai prochain devrait donc être un Parlement sensiblement plus critique sans toutefois être paralysé, mais où la voix de la France pourrait être moins forte qu’elle ne l’est aujourd’hui…

Lettre Européenne de l’AFTI n°10 à télécharger