Parlement européen : la pression eurosceptique.
Un « séisme » politique, selon le Premier ministre français, Manuel Valls, c’est ce qu’auront été les élections européennes du 25 mai 2014. C’est l’évidence en France et au Royaume-Uni où les partis europhobes Front National et United Kingdom Independance Party arrivent en tête, balayant les formations politiques de centre droit et de centre gauche. Dans le reste de l’Europe, si le verdict des urnes est moins tranché, il n’en recèle pas moins une série de dangers et d’écueils qu’il reviendra aux nouveaux élus européens d’éviter.
En effet, le Parlement européen version 2014-2019 reste dominé par une majorité de forces politiques pro-européennes allant du centre-gauche –Socialistes & Démocrates–au centre-droit –Parti Populaire Européen– en passant par les écologistes et les libéraux, qui tous ensemble réunissent 529 des 751 sièges. Mais cette majorité se trouve fortement réduite par rapport à la législature précédente, lorsque ces quatre mêmes groupes réunissaient 610 des 766 sièges. Le bloc pro-européen, passant ainsi de 80% de l’hémicycle à 70%, remporte une victoire teintée de défaite, face à des eurosceptiques, principalement de droite, qui se targuent d’être les véritables représentants des attentes des citoyens.
Les extrêmes parviendront-ils à bloquer le fonctionnement du Parlement européen ? Non. Le système politique européen n’a jamais fonctionné sur le mode majoritaire bipartisan que nous connaissons en France. Aucun groupe politique européen n’ayant jamais la majorité absolue des sièges, l’institution a développé des pratiques et des procédures favorisant la recherche de compromis et la constitution de coalitions ad hoc sur chaque dossier. Cette culture de la négociation devrait permettre aux députés des principales formations pro-européennes de continuer à mener le travail parlementaire sans encombre. Les partis eurosceptiques pourront certes donner plus fort de la voix dans les débats, mais ils ne devraient que rarement être en mesure de peser significativement sur l’adoption ou le rejet d’une initiative législative.
Faut-il alors faire comme si de rien n’était et se boucher les oreilles face aux critiques des eurosceptiques ? Non, c’est le principal écueil auquel doivent échapper les nouveaux députés pro-européens. La machinerie institutionnelle permettrait de le faire, mais une telle attitude laisserait sans réponse la demande d’une part importante, et croissante, des électeurs européens. La montée des extrêmes dans un nombre très significatif d’États membres, dont certains des plus grands membres fondateurs, demande une telle réponse. Face aux projets de déconstruction de l’Union européenne, de retour à la fragmentation du continent derrière les frontières nationales, il revient aux forces politiques pro-européennes de formuler pour l’Europe un projet réaliste qui réponde aux demandes des électeurs, sans chercher à éviter les débats difficiles, mais sans non plus s’en laisser imposer les termes et l’agenda par les opposants de l’intégration européenne.