Une rentrée politique confuse
Le vote britannique du 23 juin dernier sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne aura constitué l’un des événements marquants du bouillonnement politique en cours au sein des « grandes » – de par leur démographie et leur poids économique – démocraties occidentales. L’instabilité et la montée en puissance des courants antisystèmes semblent en effet être les principaux enseignements de cette rentrée 2016.
Cela fait désormais plus de huit mois que l’Espagne est sans gouvernement et le pays devrait, pour la troisième fois en moins d’un an, convoquer de nouvelles élections législatives. En Italie, Matteo Renzi a promis d’organiser avant la fin de l’année un référendum portant sur une réforme du Sénat. Affaibli par le parti antisystème Le Mouvement 5 étoiles, qui a gagné de nombreuses villes au détriment du Parti Démocrate lors des dernières élections municipales, le Premier ministre italien n’est plus assuré de remporter un scrutin pour lequel il a mis son mandat en balance.
En France, le Président François Hollande est au plus bas dans les sondages et de nombreux analystes estiment que Marine le Pen, la Présidente du Front National, devrait être présente au second tour de l’élection présidentielle de mai prochain. En Allemagne, Angela Merkel subit de plein fouet la crise des réfugiés. A un an des élections fédérales, l’AfD, un parti anti-immigré et anti-européen, est parvenu pour la première fois de son histoire à passer devant la CDU, le parti de la Chancelière, à l’occasion des élections régionales du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.
Outre-Atlantique, Donald Trump sera le représentant du Parti Républicain aux élections présidentielles de novembre. Se posant comme le candidat antisystème, anti-libéral et anti-immigration, il s’opposera à la démocrate Hillary Clinton. Cette dernière, accusée d’incarner le système et Wall Street, a été poussée dans ses derniers retranchements par le sénateur du Vermont Bernie Sanders, qui a lui-même conduit une campagne sévère envers l’establishment américain.
En Grande-Bretagne, le vote en faveur du Brexit a bouleversé les principaux partis mais l’été aura permis d’apaiser un moment d’hystérie politique – entre trahisons personnelles, coups d’éclats sans lendemain, revirements et démissions. En revanche, le pari politique de l’ancien Premier ministre David Cameron s’est finalement transformé en remise en cause profonde du projet européen, déjà source d’interrogations, sur l’ensemble du Vieux Continent.
Personne, à Londres ou à Bruxelles, n’est aujourd’hui en mesure d’évaluer avec certitude les conséquences de ce scrutin car de trop nombreuses inconnues demeurent : l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne, qui encadre le processus de sortie d’un Etat membre, sera-t-il bien activé par le Gouvernement de Theresa May? Si oui, pour quel calendrier ? Quel accord sera finalement conclu entre l’UE à 27 et le Royaume-Uni?
Une question lancinante revient également : la velléité de départ du peuple britannique est-elle un cas isolé ou présage-t-elle un lent processus de déconstruction du projet européen? En réalité, il apparaît, au regard de cette rentrée politique tendue dans les démocraties occidentales, que l’UE agit comme une loupe sur le fossé qui se creuse entre les populations et leurs élites. L’enjeu pour ces dernières est désormais de répondre à la fois aux défis globaux (mondialisation, concurrence des pays émergents, réchauffement climatique, terrorisme international, flux migratoires, etc.) et aux attentes « locales » (politiques de l’emploi, éducation, intégration,
sécurité, etc.). Si l’intégrité territoriale de certains pays peut parfois être remise en cause – essentiellement en Espagne et au Royaume-Uni, surmonter ces défis est devenu une question de survie pour l’Union. Celle-ci devra réinventer, en bonne intelligence avec ses Etats membres, un destin collectif enchanteur aux niveaux local, national et européen. Illusoire ?