Une nouvelle comission européenne : quel agenda stratégique pour les 5 prochaines années ?

Alors que les élections de juin 2024 vont structurer l’équilibre des forces politiques sur la base duquel la Commission élaborera ses futures priorités, quelques points saillants semblent dès à présent émerger.

En s’appuyant sur une triple coalition du groupe du Parti Populaire européen (PPE), du groupe des Socialistes et des démocrates (S&D) et du groupe Renew, la Commission d’Ursula von der Leyen a réussi le tour de force d’adopter une ambitieuse politique de lutte contre le changement climatique dans le cadre du Pacte Vert (Green deal). Néanmoins, les prochaines élections pourraient mettre en péril la poursuite de ces objectifs. En effet, les récentes manifestations des agriculteurs ainsi que les difficultés économiques posées par la guerre en Ukraine ou encore la persistance de l’inflation semblent avoir mené les différents gouvernements européens (même pour les plus europhiles d’entre eux) à demander une suspension des nouvelles règlementations ainsi que l’instauration d’une pause dans l’application du Pacte vert en faveur de politiques économiques plus protectrices, dans un contexte de compétition internationale accrue.

Tout porte donc à croire que ce premier grand cycle de règlementation et de création de normes européennes arrive à son échéance. Pour tout observateur attentif de l’actualité bruxelloise, cette fin semblait déjà annoncée avant même les manifestations des agriculteurs à travers l’Europe. La laborieuse adoption du règlement « restauration de la nature » au Parlement avait déjà esquissé les limites d’une réglementation européenne que d’aucuns jugent étouffante pour l’économie de l’Union. La Commission semble avoir entendu les critiques puisqu’elle a annoncé un objectif de réduction de 25% des obligations imposées aux entreprises, et une rationalisation  importante des reporting. Dans l’esprit de Better Regulation qui vise à assurer que les nouvelles propositions de la Commission n’agissent que là où c’est nécessaire et en s’abstenant d’imposer des contraintes indues, la Commission von der Leyen souhaite donc « couper le gras » de la « machine infernale » européenne afin de « libérer les énergies », faciliter l’innovation et les investissements, tout en renforçant la compétitivité de l’Union.

Au vu de l’ambiance électrique qui règne et des évolutions possibles des rapports de force au sein du Parlement européen, il est donc probable que la Commission von der Leyen II (en bonne voie pour être reconduite) ne dispose pas du même soutien à un Green deal 2.0, et devra plutôt se soumettre à une cure d’austérité réglementaire les premiers mois de son mandat.

Une Commission qui pourrait ainsi être encouragée, par le contexte politique, à continuer son ouvrage de simplification et d’harmonisation des règles, sans ouvrir de nouveaux chantiers.

Il est à noter cependant que les services financiers ont pour particularité d’être des sujets moins médiatisés et d’être vus comme des sujets techniques, et donc d’être épargnés par les soubresauts de l’opinion, des batailles entre partis, groupes politiques et généralement absents des débats médiatiques. Dans l’ensemble, les sujets disposent donc d’une continuité politique qui permet (dans la vaste majorité des cas) une adoption des textes de façon transpartisane. La contrepartie étant que ces sujets sont rarement au centre des campagnes électorales !

Tout porte donc à croire que le renforcement de l’Union des marchés de capitaux et de l’Union bancaire, suivront leur train, indépendamment des résultats des élections. La retenue législative qui s’appliquerait aux autres sujets pourrait a contrario inciter la Commission à tenter de pousser des initiatives plus ambitieuses pour ce secteur, telles que le passage à T+1/ T+0, la mise en place d’un produit d’épargne européen, une fiscalité harmonisée sur les titres et les dividendes, le 3e pilier bancaire ou même une refonte du cadre réglementaire relatif à la finance durable.

Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’économie européenne pourrait également l’inciter.

En tout état de cause, il est clé que les acteurs français identifient des priorités et prennent des initiatives pour participer aux réflexions politiques de la future Commission.

Lettre Européenne n°41 – à télécharger