Un accord politique de mi-mandat a été conclu entre trois groupes politiques et permet d’établir les prochaines priorités politiques du Parlement européen – et rapports de force au sein de l’institution.
Roberta METSOLA (PPE, Malte) a été nommée présidente du Parlement européen. Ont également été attribués les postes clés de vice-présidents et de questeurs.
Emmanuel MACRON a présenté les priorités de la Présidence française de l’Union européenne devant les députés européens.

La session plénière qui se tient cette semaine à Strasbourg a d’ores et déjà été extrêmement riche. Lundi 17 janvier, un accord politique de mi-mandat entre les trois principaux groupes politiques du Parlement européen – le PPE, le S&D et RE – a permis d’établir les prochaines priorités et mesures politiques qui feront l’objet de négociations et de débats au sein du Parlement européen.
Au-delà de cette déclaration politique commune, différents postes à responsabilité ont été attribués par voie de scrutin, notamment les postes de président, de vice-présidents et de questeurs de l’institution.
Enfin, le Président de la République française s’est présenté devant les députés européens mercredi 19 janvier afin de détailler les principales orientations de la Présidence française de l’UE.

ACCORD POLITIQUE DE MI-MANDAT

Adopté en amont des élections au Parlement européen, un accord politique de mi-mandat publié le 17 janvier, énumère les 10 priorités sur lesquelles le Parti Populaire Européens (PPE), les Socialistes et Démocrates (S&D) et les élus de Renew Europe (RE) se sont mis d’accord et qui serviront de feuille de route commune au pour les deux années et demi à venir. Cet accord témoigne d’une dynamique collective entre ces trois forces politiques ; en voici les principaux points :

En ce qui concerne les valeurs et les réformes institutionnelles :
• Les groupes politiques réclament une vigilance particulière sur le respect du mécanisme de l’Etat de droit (comme mentionné à l’article 7 du TFUE). Afin de préserver les droits fondamentaux de la liberté de la presse et d’expression, le droit à l’association et l’égalité des genres, le PPE, le S&D et Renew Europeencouragent la Commission européenne à proposer une directive sur la violence fondée sur le genre, incluant ce type de violence comme nouveau domaine de criminalité dans le droit européen (au titre de l’article 83.1 du TFUE).
• Ils demandent la création d’un droit d’initiative pour le Parlement européen et la généralisation de la procédure législative ordinaire, mettant le Parlement européen sur un pied d’égalité avec les États-membres.
• Les listes transnationales et le système de « Spitzenkandidat » – selon lequel le parti qui gagne les élections européennes place automatiquement son candidat « tête de liste » à la présidence de la Commission européenne- sont également des mesures soutenues.

En ce qui concerne les principaux enjeux sectoriels :
• Climat : Dans le contexte du Pacte vert européen, les signataires promettent d’avancer sur les éléments clés du « Paquet climat » afin d’atteindre les objectifs ambitieux de neutralité climatique, notamment concernant la biodiversité, l’économie circulaire et la gouvernance durable des entreprises.
Santé : Ces derniers promeuvent également la création d’une Union européenne de la santé, représentée par la nouvelle autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (dite « HERA »), afin de veiller à une meilleure coopération et résilience dans le domaine.
Numérique : Les trois groupes politiques défendent un « marché numérique véritablement européen » en faveur d’une culture de l’innovation d’une part, et du respect de la responsabilité des plateformes en ligne de l’autre. Pour cela, les textes relatifs au numérique sont explicitement mentionnés. Il s’agit du Digital Services Act (appelé « DSA »), du Digital Markets Act (nommé « DMA ») et de la loi sur l’intelligence artificielle.
Economie : Par ailleurs, la création d’un nouveau fonds pour les investissements stratégiques dans les technologiques industrielles clés et la promotion de clauses miroirs – permettant de garantir une concurrence loyale et une réciprocité des exigences en matière de durabilité, de conditions sociales et de travail – sont vivement encouragées.
Social : Cette partie mentionne le projet de directive sur les salaires minimums et le texte sur les travailleurs des plateformes « devant bénéficier de conditions de travail équitables et d’une protection sociale adéquate ».

En ce qui concerne les aspects sécuritaires et la politique étrangère :
• Les signataires de cette déclaration sont en faveur du renforcement des mandats et des ressources de Frontex, du Parquet européen, d’Europol et de l’ENISA pouvant prendre la forme d’une nouvelle proposition de pacte de sécurité : un nouveau « Paquet Schengen ».
• Les groupes politiques rappellent également la position du Parlement européen concernant le « nouveau pacte sur les migrations et d’asile ».
• Enfin, afin de garantir l’autonomie stratégique de l’Union Européenne et de soutenir le principe de multilatéralisme, le PPE, le S&D et Renew Europe souhaitent approfondir les relations avec les Etats-Unis et d’autres acteurs régionaux, notamment l’Afrique et l’Amérique latine.

ATTRIBUTION DES POSTES DE PRÉSIDENT, VICE-PRÉSIDENTS ET QUESTEURS DU PARLEMENT EUROPÉEN

En parallèle de leur déclaration politique commune, les trois principaux groupes du Parlement européen ont négocié un partage de certains postes à responsabilité, dont le résultat a été validé lors des élections qui se sont déroulées les mercredi 19 et jeudi 20 janvier.

Roberta METSOLA (PPE, Malte) a ainsi obtenu la présidence du Parlement Européen.
En ce qui concerne l’attribution des postes de Vice-présidents, ont été élus Othmar Karas (PPE, AT), Pina Picierno (S&D, IT), Pedro Silva Pereira (S&D, PT), Ewa Kopacz (PPE, PL), Eva Kaili (S&D, EL), Evelyn Regner (S&D, AT), Rainer Weiland (PPE, DE), Katarina Barley (S&D, DE), Dita Charanzová (Renew Europe, CZ), Michal ŠIMEČKA (Renew Europe, SK), Nicola BEER (Renew Europe, DE), Roberts ZĪLE (ECR, LV), Dimitrios Papadimoulis (The Left, EL) et Heidi Hautala (Verts/ALE, FI).
Concernant les questeurs, Anne Sander (PPE, FR), Christophe Hansen (PPE, LU), Monika Benova (S&D, SK), Fabienne Keller (Renew Europe, FR) et Marcel Kolaja (Verts/ALE, CZ) ont été élus.

DISCOURS D’EMMANUEL MACRON

Emmanuel Macron s’est exprimé devant le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg le mercredi 19 janvier, afin de présenter les priorités de la présidence française du Conseil de l’UE.

Après avoir évoqué la mémoire de David Sassoli, président du Parlement européen décédé le 11 janvier dernier, il a rappelé en préambule les trois grandes promesses sur lesquelles reposent la construction européenne (à savoir la démocratie, le progrès et la paix), promesses sur lesquelles il s’est appuyé pour structurer son discours.

Promesse de démocratie :
Le Président de la République a rappelé l’importance de la Conférence sur l’avenir de l’Europe et qu’en cas de proposition de cette dernière, la Présidence française de l’Union européenne (PFUE) supporterait le droit d’initiative législative pour le Parlement européen, avec le soutien de l’Allemagne. Il a également rappelé l’importance fondamentale de l’Etat de droit comme barrière au totalitarisme, et appelé à une consolidation des valeurs européennes en incluant dans la charte européenne des droits fondamentaux le droit à l’avortement et la protection de l’environnement.
Une série de propositions de textes a par ailleurs été annoncée, portant notamment sur des emplois qualifiés et mieux rémunérés, davantage d’égalité salariale, une lutte accrue contre les discriminations à l’emploi, ainsi que sur la mise en place d’un salaire minimum pour les travailleurs des plateformes numériques.

Promesse de progrès
Emmanuel Macron a rappelé les principaux défis actuels que sont le changement climatique, la transition numérique et la sécurité.
Concernant le défi climatique, il rappelle qu’un certain nombre de propositions fortes ont été faites par la Commission européenne, notamment concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, les clauses miroirs dans les traités internationaux, ou encore l’adoption de la première loi au monde contre la déforestation importée. Un sommet pour les océans sera par ailleurs organisé au mois de février 2022.
En ce qui concerne la révolution numérique, il identifie 2 problématiques principales : être en capacité de bâtir un marché unique du numérique permettant de créer des champions européens, et davantage encadrer les acteurs du numérique afin de protéger les droits et libertés des citoyens européens. De nombreuses mesures sont en cours de discussions sur le sujet, comme notamment les règlements sur les marchés numériques (DMA, Digital Market Act) et sur les services numériques (DSA, Digital Services Act), qui permettront de protéger les acteurs économiques, les citoyens et le débat démocratique. Deux grands textes restent toutefois à bâtir, portant sur la protection économique face aux « champions numériques » déloyaux, et la protection des citoyens face aux manipulations et discours de haine.
En matière de sécurité, l’Europe doit s’armer pour assurer son indépendance. La PFUE portera ainsi une réforme de l’espace Schengen afin de protéger nos frontières extérieures, d’acter d’un accueil partagé entre les Etats membres, et de bâtir un partenariat pour lutter contre les réseaux de passeurs et l’immigration irrégulière. La mise en place d’une force intergouvernementale d’intervention rapide est également évoquée. Il appelle par ailleurs à faire de l’Europe une puissance d’anticipation, en s’appuyant notamment sur la « boussole stratégique », la coopération avec l’OTAN et en actant l’indépendance technologique de l’Europe.

Promesse de paix
Emmanuel Macron a appelé l’UE à repenser quelques-unes de ses politiques de voisinage afin de bâtir une puissance d’équilibre. Cela passera notamment par une nouvelle alliance avec l’Afrique, qui fera l’objet d’un sommet en février 2022, notamment en matière d’éducation, de climat et de sécurité. Les relations avec les Balkans occidentaux ont également été mentionnées, le Président français appelant à une refonte des règles d’adhésion, et annonçant la tenue d’une conférence sur les Balkans occidentaux à la suite de la conférence sur l’avenir de l’Europe.
Il a par ailleurs lancé un appel au dialogue avec la Russie, et que l’Europe fasse entendre sa voix sur les questions de transparence des activités militaires et de respect de la souveraineté des Etats membres. Une proposition européenne bâtissant un nouvel ordre de sécurité et de stabilité sera ainsi élaborée entre européens, partagée avec l’OTAN puis proposée à la Russie pour négociation.