Réponse de France Post-Marché et de la Fédération bancaire française (FBF) à la consultation de l’Autorité des marchés financiers (AMF)
Remarques liminaires
Il existe en France et dans l’Union européenne un cadre législatif et règlementaire très complet régissant les produits et services financiers. Le seul fait que certains produits prennent une forme électronique grâce à de nouvelles technologies ne doit pas faire obstacle à l’application des régimes juridiques existants. L’enregistrement d’actifs dans un dispositif d’enregistrement électronique ne doit pas modifier la législation actuelle. Ainsi, les législations relatives au prospectus, à la transparence, au démarchage, aux services financiers etc. doivent continuer de s’appliquer, ainsi que le cas échéant le droit des titres, des dérivés, les dispositions applicables aux financements structurés notamment, selon le type d’actif émis. Tout au plus, il est envisageable d’introduire une modification de l’article L.621-1 du Code monétaire et financier pour préciser qu’en tout état de cause l’AMF est compétente pour les actifs, quels qu’ils soient, dès lors qu’ils sont enregistrés dans un dispositif d’enregistrement électronique. En tout état de cause, un exercice de qualification de la nature juridique du token, de l’actif que le token représente ou de l’émission des tokens (via une ICO) est nécessaire au cas par cas. Elle aura pour objet de s’assurer que l’opération réalisée via une ICO n’a pas pour effet de contourner un régime juridique contraignant.
Il convient également de clairement distinguer le token en tant que support ou « contenant » (i.e. l’instrumentum), des droits effectivement octroyés dans le cadre de l’ICO, et représentés ou incorporés dans le token (i.e le negotium). Le token en tant que tel ne peut se voir attribuer une qualification juridique que par rapport à l’opération principale / l’ICO pour laquelle il a été émis et attribué.
Ainsi, aucune qualification juridique des tokens émis dans le cadre d’ICO ne peut et ne doit pouvoir être écartée à ce stade.
Lorsqu’aucun régime juridique n’aura pu être déterminé, et lorsque le token représente un droit ou une créance, la qualification du token (au sens d’instrumentum) en droit français pourrait être celle de bien meuble par détermination de la loi au sens de l’article 529 du Code civil. La cession du token devrait alors être soumise au régime de la cession de créance prévu par les articles 1321 et s. du Code civil. Au-delà de ces aspects purement civilistes, nous considérons que l’encadrement des ICOs doit prendre en compte la protection de l’investisseur dans toute sa dimension. Lors du lancement d’une ICO, une parfaite information des investisseurs potentiels est nécessaire en ce qui concerne les modalités et la finalité de l’opération envisagée (le negotium) : l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques ayant valeur de règles professionnelles ou prenant la forme de recommandations de l’AMF nous semble être une piste à explorer dans un premier temps.
Bien que les aspects fiscaux ne soient pas directement couverts par la consultation, il semble nécessaire pour l’initiateur de décrire le régime fiscal applicable à la détention et à la cession des tokens, et éventuellement des fruits détachés des tokens, lorsque l’exercice de qualification de l’ICO et donc du token n’a pas permis d’identifier un régime fiscal spécifique. Dans ce dernier cas, l’attention du souscripteur potentiel devra être attirée sur les conséquences fiscales de son acquisition ou, suivant le cas, sur l’absence d’identification d’un régime fiscal spécifique et donc des risques de requalification potentiels par l’administration fiscale.