Tour à tour, le Parlement élu le 25 mai dernier et la nouvelle Commission vont s’attaquer aux dossiers prioritaires, engageant ainsi une nouvelle législature.
Pour mémoire, la directive MIF, parue à l’automne 2007, est le dernier texte sorti avant la crise qui a ébranlé les marchés financiers mondiaux. Un an plus tard, la faillite de la banque Lehman Brothers en marquait la gravité. La législature précédente a donc été marquée par les crises économiques, financières et monétaires qui ont entraîné pour l’ensemble des acteurs de l’industrie financière un déferlement de textes dont l’objectif était d’assurer une meilleure protection de l’investisseur final, une surveillance accrue et plus transparente des marchés, et enfin une harmonisation progressive des pratiques dans les États membres. Cette législature devait également permettre d’achever l’intégration des services financiers européens.
Légiférer dans un environnement aussi délicat tenait de la gageure. Il fallait, en effet, prévoir des mesures de protection des marchés et des investisseurs tout en introduisant les bases d’un nouveau système financier. L’impact a été très sévère pour le post-marché tant par l’ampleur de chaque réforme que par leur nombre. Ce travail considérable est à l’origine d’évolutions sans précédent à cette échelle et dont le résultat devrait rendre encore plus sûre l’intermédiation bancaire et financière en Europe.
Je formulerai à cet égard deux réserves :
• beaucoup de délais sont provoqués par le renvoi systématique en niveau 2 de nombreux textes. Nous avons l’impression que l’ESMA est trop souvent sollicitée pour régler un grand nombre de points qui n’ont pu l’être au niveau 1. Par voie de conséquence, l’ESMA croule sous les dossiers et les mesures de niveau 2 tardent, à l’instar de MIF2, CSDR, UCITS V etc.
• nous sommes préoccupés par le caractère parfois contradictoire des textes, et leur mise en œuvre n’est pas toujours évidente. Il ne faudrait pas que les textes post crise viennent interférer avec les initiatives prises en faveur de la croissance, voire les neutralisent.
Quels sont les principaux sujets que vont traiter les institutions européennes pendant la nouvelle législature ?
Sans aucun doute, le nécessaire redémarrage de l’économie européenne sera au centre de toutes les attentions. Cela pose naturellement la question de son financement. Plus près de nous, parmi les chantiers qui intéressent le postmarché, il faudra achever les travaux en cours : projet de règlement sur les fonds à long terme, résolution des institutions non bancaires, fonds monétaires, opérations de financement sur titres et, last but not least, le droit du titre.
En France nous fêtons cette année les trente ans de la dématérialisation des titres, et France Post-Marché va célébrer cet événement en collaboration avec l’Université de Nanterre. Ce cycle devait trouver son achèvement dans le cadre de l’harmonisation européenne des marchés financiers. Nous nous apercevons, en fait, que les pays ayant développé chacun leurs propres pratiques ne sont pas forcément prêts à renoncer à leurs habitudes, et plus particulièrement concernant le droit du titre. En France, nous savons qui est propriétaire d’un titre : il s’agit de l’investisseur, et non une chaîne d’intermédiaires. Tout le monde ne partage pas cet avis. C’est l’un des chantiers les plus difficiles qui soient, mais il faudra bien le clore un jour. Par ailleurs, la profession n’accueille pas favorablement la taxe européenne sur les transactions financières et le projet de règlement sur la structure des banques, considérés comme pénalisant la compétitivité des entreprises européennes.
Ce nouveau démarrage doit enfin être l’occasion pour la France de faire progresser son magistère d’influence auprès des institutions de Bruxelles. Nous ne sommes pas assez présents et nous devons prendre exemple sur nos voisins d’outre-manche. Au sein de la sphère du postmarché, nous nous efforçons d’y prendre part en nous rendant souvent à Bruxelles et en y délocalisant une fois par an notre conseil. La prochaine étape est prévue fin novembre. Nous rencontrerons d’ici la fin de l’année les Parlementaires français de la commission ECON pour faire le point avec eux. Nous allons prendre par ailleurs la Présidence du forum européen des dépositaires. Cette structure informelle a montré toute son importance et constituera sans doute un modèle de ce que l’on devrait essayer de faire dans nos autres métiers. En effet, l’ETDF regroupe huit pays qui parlent souvent d’une même voix pour traiter des sujets relevant de l’asset servicing. Cela porte davantage lorsque nous venons voir la Commission européenne ou le Parlement. Le travail est précédé par des échanges assidus entre nos services, l’AMF et la Direction générale du Trésor, avec qui nous travaillons en bonne intelligence.
Marcel Roncin, président de France Post-Marché