Les institutions européennes dans une Europe politique en crise
Pas un jour ne se passe désormais sans qu’un éditorialiste, un expert ou une personnalité politique n’évoque une Europe pleine de doutes, condamnée à un avenir incertain. En janvier dernier, Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, a lui-même débuté son intervention devant les chefs d’Etats européens en énumérant les dangers auxquels est confrontée l’Union, estimant qu’ils étaient « le parfait reflet d’une Europe en polycrise. »

Les inquiétudes sont nombreuses : crise migratoire, menace terroriste et espace Schengen ; tensions persistantes sur la dette grecque, inquiétudes sur la santé économique des « pays périphériques » et zone Euro ; perspective d’une sortie du Royaume-Uni de l’UE au lendemain du scrutin du 23 juin prochain et montée continue de l’Euroscepticisme sur tout le Continent. L’actualité met crûment en perspective la fragilité de la construction européenne, rappelant que celle-ci n’est pas un acquis irréversible mais un lent processus d’intégration dont les moteurs semblent être aujourd’hui grippés.

Une réponse sous le prisme économique et financier

Face à ces défis multiples, la principale réponse des institutions européennes est d’ordre économique et financier. Alors que Jonathan Hill, tout juste nommé Commissaire en charge des services financiers, déclarait en novembre 2014 que « l’Union Européenne fait face à deux grands défis : économique et démocratique. Les deux sont liés car sans répondre au premier, nous ne pourrons répondre au second », Jean-Claude Juncker se fixait comme première priorité la relance de la croissance et de l’emploi par l’investissement de long terme et le financement des PME. Le plan d’investissement de 315 milliards d’Euros, la mise en oeuvre de l’Union des marchés des capitaux, du marché numérique unique ou encore de l’union de l’énergie sont les fers de lance de cette politique. En ce sens, la Commission s’inscrit dans la continuité historique du Traité de Rome de 1957, lorsque les signataires des six pays fondateurs la Communauté économique européenne (CEE) affirmèrent en préambule être « décidés à assurer […] le progrès économique et social de leurs pays en éliminant les barrières qui divisent l’Europe » tout en s’assignant « pour but essentiel […] l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi de leurs peuples ».

Des marges de manoeuvres limitées pour les institutions européennes

Si la reprise économique semble être l’un des prérequis pour retrouver une Europe apaisée, la réalité est que les institutions européennes se trouvent mal armées pour répondre aux autres défis qui minent la confiance des citoyens dans leurs responsables politiques. Les questions migratoires et sécuritaires relèvent en effet des seuls Etats membres, veillant jalousement sur leurs prérogatives. De même, la fiscalité, thème sensible après les révélations données par « Luxleaks » et les « Panama Papers », sont également du ressort de ces derniers. Pourtant, c’est souvent sur ces sujets régaliens que l’Europe est la plus critiquée pour son inaction et son
impuissance. Confrontés à un manque de confiance dans le système et à la tentation du repli identitaire, les institutions européennes sont un bouc émissaire facile. Néanmoins, les dernières élections au sein des États membres (Autriche, Pologne, France, Hongrie etc. et, dans une moindre mesure, l’Allemagne) sont révélateur d’une perte de confiance du citoyen dans les institutions, qu’elles soient nationales ou européennes. États membres, Parlement européen et Commission partagent alors une responsabilité immense, où chacun devra assumer pleinement son rôle, sur la base des attributions que les Traités leur confèrent. Sous peine de voir l’UE se déconstruire sous leurs yeux.

Lettre Européenne de l’AFTI n°18 à télécharger