Vers une finance plus durable : repenser la notion de valeur.
Dix ans après la crise financière, les dangers pesant sur le système financier auraient-ils changé de visage ? C’est en tout cas ce qu’avance les défenseurs d’une finance plus durable, parmi desquels le Président de la République française Emmanuel Macron. Invité par la Commission européenne à l’occasion d’une conférence sur la finance durable en mars 2018, il rappelait que « le risque est au coeur de la finance. Les investisseurs doivent mesurer plus systématiquement ce qu’est le risque climatique et ses conséquences financières. ».

Un mouvement de fond

Ne se contentant pas de mobiliser politiquement autour de la promotion de la finance durable, la Commission européenne en fait un nouveau chantier d’envergure pour les années à venir. Emboitant le pas au Comité de Stabilité financière (Financial Stability Board – FSB), qui a publié en juin 2017 des recommandations sur les déclarations financières liées au climat, elle entend faire évoluer la manière dont sont évalués les risques financiers. L’objectif affiché est de mieux prendre en compte les externalités négatives liées au changement climatique, mais aussi aux nouvelles exigences sociales et de gouvernance, pour faire des marchés financiers un vecteur des changements sociétaux.
Comme cela avait été le cas après la crise de 2008, la principale arme à la disposition du législateur européen est la réglementation prudentielle, mais pas uniquement. Dans son plan d’action sur la finance durable, publié en mars 2018, la Commission européenne dévoile sa feuille de route pour mettre en place de nouveaux mécanismes d’évaluation de la valeur d’un produit financier. Elle propose ainsi l’élaboration d’une taxonomie, sorte de grille d’évaluation commune, qui permettra de noter les investissements comme plus ou moins durables. Un système de label est également envisagé à moyen terme. La seconde étape étant, naturellement, d’associer des contraintes réglementaires plus exigeantes aux investissements les moins durables.

Des propositions concrètes

Si ces projets de la Commission européenne peuvent parfois sembler abstraits, leur impact sera pourtant tangible à moyen terme. A la suite de son plan d’action, la Commission européenne a publié plusieurs propositions législatives, dont une proposition de règlement visant à créer une nouvelle catégorie d’indices de référence bas carbone. La Commission a également modifié des actes délégués de MiFID II et de la directive sur la distribution d’assurance (DDA) pour imposer d’inclure les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les conseils fournis aux investisseurs.
L’objectif politique est double : diriger les flux financiers vers la transition écologique, et anticiper le coût financier – potentiellement assorti d’une dimension systémique – des risques de durabilité. Pour y arriver, la Commission européenne entend mettre tous les acteurs du secteur financier à contribution, à commencer par les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels. Dès mai 2018, la Commission européenne a en effet proposé un nouveau règlement révisant les devoirs fiduciaires et d’information des gestionnaires d’actifs afin que les critères ESG soient mieux pris en compte. L’objectif est clairement de modifier la manière dont les professionnels du secteur mesurent la valeur et les risques lorsqu’ils investissent, en resserrant les exigences réglementaires autour du processus de prise de décision.
Ainsi, le virage vers une finance plus durable, loin d’être une simple tendance règlementaire, se dessine comme une véritable lame de fond dont les premiers effets se font d’ores et déjà sentir. Il a de plus le mérite de nous rappeler que les politiques européennes en matière de services financiers ne sauraient être efficacement considérées en dehors de leur contexte politique plus général, en l’occurrence de la promotion du développement durable dans tous les secteurs de l’économie.
JC

Lettre Européenne de France Post-Marché n°25 à télécharger