(Conférence du 24 juin 2019) – Eric de Gay de Nexon Directeur des Relations de Place du Métier Titres – Société Générale Securities Services et Vice-Président de France Post-Marché
Cette conférence a pour but d’échanger autour de la mise en œuvre des nouvelles règles encadrant l’activité relative aux indices de référence, matérialisée en Europe par le règlement BMR (Benchmark Regulation). Ce sujet est essentiel au regard de ses impacts et de la gamme des produits concernés. Il existe des centaines de milliers voire des millions d’indices de référence : l’ensemble des acteurs de la finance voire de l’économie sont concernés. Longtemps ignoré ou sous-estimé parmi les 40 initiatives réglementaires prises par la Commission européenne, ce sujet est extrêmement technique : il est de ce fait resté l’apanage d’une minorité d’experts. Il est temps de s’en emparer pour respecter les échéances.
Si le texte BMR vise l’ensemble des indices dits de référence, nous nous intéresserons aujourd’hui particulièrement aux indices de référence de taux monétaire et à leur transition vers les nouveaux indices.

 

Le contexte
La crise de 2007-2008 a remis en cause la fiabilité des indices à tel point que les autorités ont réfléchi à la meilleure façon de renforcer la confiance au sein de la communauté des acteurs économiques et de pallier l’asséchement du marché monétaire issu de cette crise.
Le G20 a confié cette mission de réflexion autour des indices de taux de référence (par exemple, l’Euribor – Euro Interbank Offered Rate – et l’Eonia – Euro OverNight Index Average – pour la zone Euro) au Conseil de stabilité financière (FSB).
En 2014, le FSB a émis deux recommandations : réformer les indices existants ou développer des taux alternatifs. Les travaux conduits en parallèle par le FSB et l’IOSCO ont conduit les législateurs à proposer ce projet de règlement BMR, adopté en 2016 et entré en vigueur au 1er janvier 2018. Concernant les indices de référence de taux, il est apparu nécessaire d’ajouter deux ans supplémentaires (soit une application au 1er janvier 2020), ce délai de mise en conformité étant valable également pour les indices des pays tiers.
Le règlement prévoit des exigences renforcées qui s’appliquent aussi bien aux entités fournissant les indices qu’à celles qui les utilisent.

Qu’est-ce qu’un indice de référence ?
C’est un chiffre public calculé régulièrement à l’aide d’une formule s’appuyant sur la valeur d’un ou de plusieurs actifs sous-jacents, cette valeur étant un prix ou une estimation de prix – certains indices étant hybrides puisqu’on y apporte de l’intelligence au-delà d’un calcul établi sur la base de transactions rapportées.
C’est un indice utilisé par exemple dans un fonds d’investissement pour calculer les commissions de surperformance, pour répliquer un indice (c’est le cas de la gestion passive) ou composer un portefeuille. On le retrouve aussi dans des instruments ou contrats financiers pour le calcul de ce contrat ou de cet indice ou pour déterminer les flux à payer.

Les objectifs du règlement
Le BMR vise à rendre ces indices plus robustes et intègres, à améliorer la gouvernance et la qualité des données et les méthodes utilisées pour ce calcul et enfin, à encadrer les potentiels conflits d’intérêt. Ces exigences sont plus ou moins fortes en fonction de l’importance ou du caractère systémique des indices (importance significative, non significative ou critique), les taux d’intérêt étant considérés comme critiques. Elles s’appliquent :
• aux administrateurs des indices utilisés dans l’Union européenne, qu’ils soient établis dans l’UE ou non ;
• aux contributeurs à un indice de référence, qui fournissent les données sous-jacentes ;
• et aux utilisateurs des indices, entités supervisées en Europe (FIA, OPCVM ou entreprises d’investissement).

La mise en œuvre des mesures est en cours depuis le 1er janvier 2018 puisque nous sommes dans la phase de transition. Pour ce faire, les acteurs doivent se mettre en conformité et pour certains, être agréés par leur régulateur local, cet agrément donnant lieu à une inscription dans un registre tenu par l’ESMA.
Il convient aussi de définir, lorsque que cela est nécessaire, ce que seront les indices alternatifs destinés à remplacer ceux n’étant plus conformes aux exigences du règlement ou à l’objectif poursuivi par leur utilisation, ainsi que les règles de gestion de la bascule.
Ce processus de transition est long et complexe : il faut identifier ou spécifier les nouveaux indices, développer une nouvelle liquidité, gérer le devenir des produits existants indexés sur les anciens indices et plus globalement, les impacts induits (juridiques, informatiques, opérationnels), mais aussi en matière de gestion des risques et de relation avec la clientèle et les contreparties et, pour les établissements bancaires, des problématiques de gestion des emplois-ressources (ALM). A ce processus déjà complexe vient s’ajouter le fait que la transition se fait en ordre dispersé pour l’ensemble des grandes devises : chaque pays a identifié son ou ses indices de taux de référence alternatifs et a défini sa propre approche en matière de migration. Cela implique de gérer plusieurs transitions en parallèle selon des calendriers spécifiques.

Spécial Conférence n° 45 – Transitions des indices de référence : un sujet de Place – à télécharger